Lettre du Président de l’Adapei de l’Orne aux salariés de l’Association, ce 21 avril : analyse sur la situation sanitaire et appel à la vigilance en prévision du déconfinement.


Ce 21 avril, a été adressé aux salariés de l’Adapei de l’Orne, le mot du Président, Thierry Mathieu, qui fait un point d’analyse sur la situation adaptative du secteur médico-social dans l’Orne et appelle à la vigilance en prévision du déconfinement, le 11 mai prochain. Il oriente vers une agilité associative tout en appelant autant à la responsabilité individuelle que collective.

Mesdames et Messieurs les salariés de l’ADAPEI de l’ORNE,

La crise sanitaire et humaine que nous connaissons depuis plusieurs semaines en raison de la propagation du CORONAVIRUS m’amène ce jour à m’adresser directement à vous au titre de notre association ADAPEI de l’ORNE. Cette communication spécifique complète – et ne remplace bien sûr pas – les points hebdomadaires faits par la Direction Générale, mais elle fait suite logiquement au courrier rédigé le 2 avril dernier à destination des familles et dont vous avez également été destinataires à titre informatif.

Après plusieurs semaines de confinement et dans la perspective prochaine d’un déconfinement progressif, nous pouvons d’ores et déjà faire les constats suivants :

– Nul n’aurait pu envisager une propagation d’une telle ampleur et disons-le d’une telle violence aveugle : malgré les mesures rapides de protection et de confinement, notre association est déjà rudement éprouvée, ne serait-ce qu’au travers d’un de nos établissements qui a connu la contamination de plusieurs personnes et le cruel décès d’un résident.

– L’ensemble de nos organisations s’est trouvé remodelé et, dans le respect de la doctrine en vigueur, nous avons su assurer malgré tout une forme de continuité de service, en particulier au niveau de l’hébergement.

– Par la force des choses, nos métiers du médico-social se sont réinventés et adaptés, par exemple dans le lien renforcé et beaucoup plus partenarial avec les familles, dans la capacité à communiquer différemment et avec d’autres outils qui, à terme, devront faire partie de nos pratiques quotidiennes (phoning, visio-conférences entre autres…).

Dans l’ensemble de notre secteur et si l’on se décentre un peu, on notera que beaucoup d’acteurs de terrain dans d’autres associations, ont pris aussi de belles et originales initiatives pour lutter contre un isolement trop long des résidents ou personnes handicapées :

* partages de photos au jour le jour,
* petits films à destination des familles,
* interventions sur sites d’artistes ou de musiciens afin de casser la monotonie du quotidien tout en respectant les règles sanitaires,
*mise en place d’une mini-épicerie à l’intérieur d’une structure.

Autant d’initiatives multiples qui témoignent de l’attention et de la prise en compte des personnes dans un contexte vraiment exceptionnel : ceci ne peut que nous inciter à partager les diverses expériences.

Pour autant, de lourdes hypothèques pèsent sur nos fonctionnements :

– Les politiques publiques du sanitaire et du médico-social sont fortement interrogées : les EHPAD et nous-mêmes payons un lourd tribut à cette terrible épidémie et il n’est pas caricatural de constater que le médico-social, dans son ensemble n’a été que trop peu pris en compte dans ses spécificités, en particulier mais pas seulement, le handicap mental.

– Les personnels que vous êtes, les familles que nous sommes, n’avons jamais été considérés comme étant en première ligne ; tragique erreur en vérité, car, si le confinement tient, c’est grâce à la mobilisation des équipes professionnelles qui se relaient sur le terrain, grâce aussi à la mobilisation des familles éloignées ou rapprochées de leur enfant ou adulte par ce contexte inédit.

Ce même contexte percute logiquement les statuts des uns et des autres :

– Le droit du travail est adapté par des mesures exceptionnelles.

– On redécouvre – pour ceux qui ne le savaient pas – qu’il n’est pas de petits métiers dans nos structures, pas plus que dans d’autres.

– On s’interroge aussi et légitimement sur les conséquences qu’aura la perte de lien social sur les personnes que nous accompagnons au quotidien…

Ceci revient à dire que la mise en œuvre du déconfinement n’est et ne sera possible, en deçà des instructions nationales ou régionales qu’à plusieurs conditions :

– Dans tous les cas, il nous faudra porter les uns envers les autres une vigilante attention, car les liens seront à retisser et à repenser.

– Il faudra impérativement répondre à un besoin de sécurité sanitaire et de réassurance collective autant qu’individuelle.

– Nous devrons dans tous les cas faire appel à l’intelligence collective, car dans un tel contexte d’incertitude, il ne saurait être question de ne pas tirer les enseignements de ce que nous savons déjà.

– Nous devrons revisiter le fonctionnement de nos instances associatives, même si statutairement certaines choses avaient déjà été envisagées.

– Réfléchir, à l’échelon local, à un meilleur niveau de protection voire à une réactivité et une certaine autonomie en termes de productions de matériels…

Quels que soient les chantiers qui nous attendent, qu’il me soit ici permis, au nom des familles, de notre Conseil d’administration aussi, de nos usagers enfin, de remercier tous ceux qui ont œuvré, depuis plusieurs semaines déjà, avec le seul souci de l’intérêt général et donc de la préservation des personnes les plus fragiles et les plus démunies.

Qu’il me soit également permis de rappeler que, malgré des circonstances parfois bien tristes, rien ne doit porter atteinte à la dignité de la tâche qui est la nôtre, à la mission que nous assurons au quotidien contre vents et virus.

Bon courage à nous tous, sincèrement et solidairement à vos côtés.

Le Président
Thierry MATHIEU